OBAMA N'EST PAS LE BIENVENU A STRASBOURG
Spécial G20 et venue de Obama en France (3)
Barack Obama sera à Strasbourg dans moins d’une semaine, vendredi plus exactement, et d’ores et déjà une chose est sûre : les habitants de la ville ne lui disent pas merci !
Grâce à Mister O., en effet, les Strasbourgeois vont vivre plusieurs jours d’enfer…
Le Palais de Rohan, sur les rives de l'Ill, qui abrite la mairie de Strasbourg.
Certains ont décidé de quitter la ville pour n’y remettre les pieds qu’une fois que le grand homme d’Amérique sera parti.
D’autres, plus zélés, sans que l’on sache toutefois qui ils sont vraiment, ont été les heureux élus : ils seront autorisés à rencontrer le Messie. Nous allons essayer d’enquêter pour savoir comment ils ont été choisis, et par qui… l’entourage de Obama ? celui de Sarkozy ? Mystère pour l’instant… (Nous vous apporterons la réponse dans l’un de nos prochains articles.)
En France, on est habitué à trier sur le volet les auditoires devant lesquels s’expriment les chefs d’Etat. A chaque fois que notre omniprésident se déplace et parle au peuple, c’est toujours devant des parterres de militants convaincus soigneusement présélectionnés.
Le 24 mars Nicolas Sarkozy s’est ainsi rendu à Saint-Quentin, dans l’Aisne, la ville dont Xavier Bertrand, le chef du parti présidentiel, est l’heureux édile. Il venait en début de soirée présenter une nouvelle fois et justifier son fabuleux plan anti-crise et sa politique économique et sociale, chaudement contestés par près de trois millions de manifestants quelques jours auparavant. Pour l’occasion, tout le centre ville de Saint-Quentin avait été bouclé dès l’aube par les forces de l’ordre. Quelques 1300 policiers et gendarmes avaient été mobilisés pour l’occasion. 70 rues avaient été vidées de leurs voitures et toute circulation était interdite à partir de midi et, par endroits, depuis la veille au soir. Les commerces et les restaurants étaient restés fermés et, paradoxe en temps de crise, toute l’activité économique des quartiers centraux était paralysée. La veille, les parents avaient même été invités à ne pas emmener leurs enfants à l’école au motif que, le soir venu, ils n’auraient pas pu aller les chercher. En milieu de journée, ce 24 mars, une ambiance de fin du monde régnait sur Saint-Quentin. Plus un chat n’osait s’aventurer dehors. Seules formes de vie, les silhouettes bleues des policiers qui patrouillaient trois par trois dans des rues désertes aux volets clos. On se serait cru dans une petite ville du Far West avant l’arrivée du dangereux hors-la-loi. Comme dans un western, mais sans la musique d’Ennio Morricone. Et quand, le soir venu, dans un palais des sports transformé en Fort Knox, le Président est apparu devant les 4 000 militants U.M.P. qui avaient été rassemblés pour communier au son de sa voix et vibrer au rythme de ses tics, c’est une salle totalement acquise à lui qui l’a ovationné. Il valait bien ses 400 000 € ce meeting et le Président pouvait être heureux et frétillant derrière son pupitre, heureux comme la tsarine Catherine II lors de son voyage en Crimée, quand elle traversait les faux villages peuplés de figurants que le Prince Potemkine avait fait construire pour elle.
Sarko en meeting à Saint-Quentin mardi dernier : une assistance triée sur le volet, comme toujours !
Avec lui, pas de place pour la contestation...
Que le Président Obama se rassure donc. Il sera bien accueilli à Strasbourg et aucun des bienheureux Elus qui seront autorisés à lui parler ne le mettra en difficulté. Aucune impertinence à attendre. Aucune question gênante à redouter. Cinq cent brosses à reluire auront été distribuées.
Logo du comité français de soutien à Obama sans doute copieusement brandi la semaine prochaine à Strasbourg, comme si les Français étaient tous dingues du grand Homme !
Notre savoir faire est exceptionnel et même la Corée du Nord nous envie pour notre capacité à aligner les bons sujets lors des visites présidentielles. Autre exemple. En octobre 2008, lors de la visite de Kim Il Sarkozy à l’usine Renault de Sandouville, sévèrement touchée par les mesures de chômage technique. Les ateliers avaient été vidés de leurs ouvriers mécontents et les grévistes furent autorisés à manifester à 500 m. de là, derrière plusieurs cordons de gardes mobiles. Pendant ce temps, notre Petit Timonier pouvait visiter en toute quiétude un atelier dans lequel avaient pris place des cols blancs déguisés en ouvriers et qui, en récompense, purent serrer la mimine présidentielle de leurs mains immaculées. Et pas un cri, pas un slogan, pas une insolence ne parvint aux oreilles de Sa Magnificence. Car il ne l’aurait pas toléré et n’aurait pas manqué, si cela s’était produit, de faire renvoyer sur le champ le Préfet et le Directeur de la Police, comme il l’a fait depuis, au début du mois de janvier, en Normandie, quand sa visite dans une école et ses vœux aux enseignants furent perturbés par les vociférations de professeurs et de lycéens révoltés contre sa politique de casse de l’école publique.
En tout cas, comme je le disais dans l’introduction de cet article, les habitants de Strasbourg sont loin de se réjouir de l’arrivée du Messie.
Quels ingrats !
Le Sauveur de l’Humanité va condescendre à venir les saluer, et ils se plaignent ! Quelle honte !
Mais essayons quand même de les comprendre… Ils vont à partir de maintenant, et pendant une semaine, vivre l’enfer au quotidien.
A une semaine du sommet de Strasbourg, la capitale alsacienne est déjà en cours de bunkerisation. 4 500 policiers et gendarmes vont être réquisitionnés et les premières unités arrivées sur place commencent à installer leur matériel et à patrouiller. Deux zones de sécurité – une « orange » et une « rouge » - ont été créées, à l’intérieur desquelles la circulation des personnes va être sérieusement limitée aux seuls riverains « badgés », à tel point que des citoyens strasbourgeois ont porté plainte devant le tribunal administratif pour entrave à la circulation des personnes. Les mesures de sécurité frisent la paranoïa. C’est ainsi que les drapeaux pacifistes arc-en-ciel arborant l’inscription « Pace – No to NATO », que de nombreux citoyens souhaitaient accrocher à leurs balcons, ont été interdits.
L’université de Strasbourg, qui était occupée par des étudiants, a été évacuée par les forces de l’ordre dans la nuit de vendredi à samedi. Coincidence ? Sûrement pas ! Cela aurait quand même fait désordre si le président américain était arrivé dans la ville française dans une ambiance de mai 68, au beau milieu de la grogne estudiantine !
Nul doute que ce genre de scène devant l'université de Strasbourg (fac en grève depuis février dernier. On voit ici les étudiants manifester à l'occasion de la venue de Valérie Pécresse) ne sera pas visible lors de la venue de Obama. Il faut que tout soit beau, tout soit en ordre quand le Messie nous fera l'honneur de sa visite !
Après les libertés de circulation et de réunion, c’est maintenant la liberté d’expression qui est bafouée. D’après notre constitution, qui reprend les termes de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». A sa demande, le président Obama devrait d’ailleurs rencontrer, vendredi 3 avril, une délégation de ces Strasbourgeois qui vivent dans les quartiers soumis aux mesures de restrictions renforcées, « victimes collatérales » du sommet de l’O.T.A.N. C’est donc lui qui devra leur expliquer que la France de son « copain » Sarkozy n’est plus le pays des Droits de l’Homme !
