UN PRESIDENT "VERT" ? PAS VRAIMENT !
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Il y a quelques jours seulement, Barack Obama promettait d'écrire "un nouveau chapitre en matière de politique environnementale menée par l'Amérique".
C'était à l'occasion d'une vidéo diffusée pendant le sommet sur le climat organisé par le gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger, et dans cette apparition pré-enregistrée, le nouveau président renouvelait sa promesse de campagne : rompre avec George Bush sur le plan environnemental.
Obama accusait notamment George Bush de n'avoir pas su montrer l'exemple au monde sur la question du changement climatique : "Cela va changer dès que j'entrerai en fonction", a-t-il promis.
Puis, il a fait la liste de tout ce qu'il avait l'intention de faire sur le sujet, une liste très ambitieuse, allant de la réduction de l'effet de serre, au développement des énergies renouvelables :
"Ces investissements dans des énergies propres va nous aider à réduire notre dépendance vis-à-vis du pétrole étranger, ce qui nous mettra plus en sécurité. Et cela contribuera à sauver notre planète. Cette transformation de nos industries va aussi nous aider à résoudre la crise économique en générant cinq millions de nouveaux emplois liés à l'environnement."
Tout cela, c'est bien joli à entendre, une fois de plus.
Et pourtant, dès la semaine prochaine, la planète pourrait bien s'apercevoir à son tour que les mots que Obama prononce ne signifient jamais grand-chose pour lui. Et sur la question du changement climatique comme sur toutes les autres, le nouveau président américain pourrait bien déjà avoir changé d'avis...
C'est en effet lundi que doit s'ouvrir la Conférence des Nations Unies sur le Changement Climatique à Poznan, en Pologne. Son but est de tenter une nouvelle négociation sur la réduction des gaz à effet de serre, avant que le Protocole de Kyoto n'expire en 2012.
Il y aura 10 000 délégués qui assisteront à cette conférence, représentant presque 200 pays. Et tous s'y rendront en espérant que l'élection de Obama va mettre un terme à des années de cauchemar en matière environnementale.
Cependant, ils vont s'apercevoir assez vite qu'ils ont espéré pour rien.
Car par l'intermédiaire de John Kerry qui sera à la tête d'une délégation du Congrès, Obama a fait savoir que les problèmes économiques pourraient bien remettre en cause les objectifs en matière environnementale.
"Il faut tenir compte des réalités économiques" a affirmé il y a quelques jours Kerry, comme une mise en garde à tous ceux qui avaient rêvé un peu trop de voir Obama révolutionner le monde et résoudre d'un seul coup de baguette magique les problèmes de changement climatique. "Il faut nous en tenir à ce qui est réalisable."
Cette dernière phrase veut tout dire, et elle va certainement décevoir des nations comme la Chine et l'Inde, qui étaient prêtes à faire des sacrifices et à accéler leur réduction d'émissions de gaz à effet de serre, , mais à la condition que les Etats-Unis en fassent autant de leur côté, une sorte de donnant/donnant. D'autant plus que Kerry a laissé entendre qu'il ne fallait pas s'attendre à ce que des décisions importantes soient prises la semaine prochaine, qu'il faudrait attendre le sommet de Copenhague.
Bien entendu, les problèmes dont Obama hérite sont énormes. Les scientifiques affirment que le monde a besoin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, en optant pour des énergies plus propres, mais plus chères. Mais cela implique que tous les pays travaillent main dans la main.
Et les gouvernements sont loin d'être d'accord sur tout.
Obama a des idées pour les EU, par exemple, en investissant dans l'énergie solaire ou éolienne.
Mais pour les gouvernements européens, de telles propositions sont largement insuffisantes : l'Europe demande à l'Amérique de faire plus dans la réduction d'émissions toxiques. de plus, l'Europe sait bien que Obama aura du mal à convaincre le Congrès d'investir dans des énergies plus propres, mais largement plus coûteuses.
James Hansen, un spécialiste des questions climatiques a recommandé à Obama de tout faire pour réduire les gaz à effet de serre de 10 pour cent dans les 20 années à venir, pour éviter des conséquences catastrophiques.
A Poznan, donc, tout le monde s'attendait à ce que Obama fasse des gestes forts, car sur la rhétorique climatique, il a été très brillant jusque-là, aussi brillant que Bush était muet sur le sujet. Mais pas une seule fois n'a -t-il laissé entendre qu'il mènerait une politique qui permettrait d'atteindre les objectifs fixés par James Hansen.
Les chiffres que Obama a donnés sont très en dessous des objectifs de Kyoto pour 2012, eten plus Obama parlait d'objectifs à atteindre pour 2020 seulement !
Les lobbies et les conseillers trop prudents semblent avoir eu raison de toutes les belles promesses qu'il a faites sur l'énergie renouvelable, ou les forges pétoliers, ainsi que sur la hausse des prix des carburants, qui avait-il dit, serait peut-être une bonne chose, si elle permettait de faire changer les comportements...
Lors de la visite de Obama à Berlin en juillet dernier, les Verts allemands, très présents, ont voulu rappeler au candidat que les Etats-Unis vont devoir se montrer plus volontaristes en matière de lutte contre les émissions de carbone et dans leur lutte contre la pollution en général...
Cette recommandation fait partie de multiples autres, transmises mardi dernier à l'équipe de transition de Obama par une coalition d'associations environnementalistes.
"Notre économie souffre, comme notre environnement", a déclaré Larry Schweiger, président de la National Wildlife Federation. "Les solutions aux deux crises sont liées."
Les associations pensent en effet que la crise économique ne devrait pas être un obstacle à la politique environnementale au contraire. La lutte contre le changement climatique pourrait générer de nouveaux types d'emplois, et cela pourrait nous conduire à la prospérité sur le plan économique.
De même, selon Gene Karpinski président de la League of Conservation Voters, la solution aux problèmes économiques de la nation, c'est "une nouvelle économie verte".
Cette coalition préconise aussi en outre des décisions pour protéger l'Océan Arctique, les parcs nationaux, les réserves naturelles, un plus grand contrôle de la production d'énergie, et des critères plus sévères pour évaluer la pollution atmosphérique. De même, ces associations demandent un moratoire sur les forages pétroliers, et une protection accrue des espèces menacées, que l'administration Bush a sans cesse remise en cause.
Jusqu'à présent, malheureusement, Obama n'a pas répondu à ces associations.
Les questions environnementales ne semblent donc pas faire partie de ses priorités, contrairement à ce qu'il a affirmé.
Sa seule réponse pour l'instant, c'est que non seulement il ne se rendrait pas à Poznan, mais en plus, il n'aurait pas de réprésentant officiel. John Kerry affirme qu'il servira d'émissaire de l'ombre pour Obama, avec la sénatrice Amy Klobluchar, mais officiellement, aucun membre de l'équipe de transition de Obama ne sera présent. Et cela prétendûment pour ne pas miner l'autorité de l'administration Bush pendant les négociations. Obama répète qu'il ne peut y avoir qu'un président à la fois.
Mais finalement, tout cela l'arrange bien.
Cela lui fournit une excuse pour ne surtout pas prendre de décision. Là encore, il va pouvoir attendre encore un peu. Car les décisions à prendre ne sont sûrement pas du goût de pas mal de lobbies qui ont soutenu sa candidature, et qu'il doit avoir peur de se mettre à dos !
Donc, Obama repousse... et se justifie en disant qu'il n'est pas président encore tout à fait. Comme ça il ne décide rien, et Poznan va être un coup pour rien.
Et bien entendu, tout le monde va encore critiquer l'administration Bush...
Cela va être une occasion manquée.
Mais il va falloir que le monde s'y habitue, parce qu'avec Obama, ça va être souvent comme ça.
Il a promis beaucoup de choses, mais il ne va rien faire ; rien faire du tout... Bla, bla, bla...
